
FEDERICO — C’est incroyable ce qu’on peut dépenser en matériaux.
DON JESÚS — Le chantier a besoin de manger pour former son corps, monsieur, comme les gens. Il mange le parpaing, il mange le ciment, les tiges, le sable. Regardez comme on le voit bien grand notre édifice, on dirait presqu’un géant... Moi, j’aime voir grandir les chantiers ; depuis le premier jour où ils sont qu’un terrain dégueulasse plein de saletés et de pisses de chien. Après on le nettoie et on le prépare, comme on prépare une fiancée pour qu’on lui fasse un enfant. Et on le lui fait, pardi. Les immeubles sont comme les enfants. C’est pour ça que ça me plaît, moi, de travailler dans la construction. Et ça me plairait encore plus si les chantiers ne se finissaient jamais. Tant qu’un édifice est comme ça, en train de pousser, il est à vous, il est à moi, il est à tout le monde ; on y voit notre sueur, notre travail, et même notre sang. Une fois terminé, ma foi. Il est à d’autres gens qui ont pas vu pousser cet enfant et qui peuvent pas l’aimer comme on l’a aimé, nous, qui lui avons donné notre vie par petits morceaux.